Solidarité alimentaire : un futur dispositif bientôt testé à Rennes

L’alimentation est au cœur de notre environnement, à la fois enjeu de santé publique et d'égalité. Parcequ’aujourd’hui l’accès à une alimentation saine et durable est parfois empêché, la Ville de Rennes défend un accès digne à une alimentation de qualité, pour toutes et pour tous, en particulier les plus fragiles, en testant une solution novatrice, pour une alimentation plus respectueuse de l’humain et de la planète.

La précarité alimentaire est en augmentation : 30% des français ont des difficultés à se procurer une alimentation saine avec trois repas par jour. De plus, les produits durables peuvent être perçus comme inaccessibles et réservés à un public privilégié. Par ailleurs, les dispositifs d’aide alimentaires ont des difficultés à proposer des denrées produites localement et à accompagner leurs bénéficiaires dans une réappropriation de leurs choix alimentaires .

Si l'aide alimentaire est nécessaire pour répondre à l'urgence, elle n'est pas une réponse aux problèmes systémique de notre modèle agricole et alimentaire et nous constatons une explosion de la demande et des difficultés de plus en plus importantes d'assurer des approvisionnements alimentaires avec des produits sains et équilibrées. C'est là que prend tout son sens certaines initiatives qui émergent sur Rennes comme la ferme coopérative du Turfu sur la Prévalaye, qui mène un projet ambitieux : produire une alimentation de qualité avec et pour les personnes sans-abris accompagnés par l'association Cœur résistant.

Car ce sont les plus pauvres qui sont majoritairement en première ligne face à l'insécurité alimentaire. Une étude ABENA2, conduite en 2011-2012 au sein de structures d’aide alimentaire en France métropolitaine, a décrit un état de santé préoccupant des usagers de ces structures, avec des prévalences des pathologies liées à la nutrition (obésité, hypertension artérielle, diabète, certains déficits vitaminiques) particulièrement élevées par rapport à la population générale. Cette situation est catastrophique pour notre société, car ce sont au moins 19 milliards d’euros qui sont dépensés par an pour compenser et réparer les impacts négatifs du système alimentaire sur notre santé, notre société, notre environnement. 

Il faut donc agir directement sur les causes structurelles de cette situation, et ces causes sont connues : manque de ressources financières des ménages modestes, mauvaise qualité des produits et présence de substances toxiques ou à risque dans la majeure partie des aliments proposés, régimes alimentaires déséquilibrés… De récentes études indiquent que 80 % de la population ne mange ni assez de fruits et légumes, ni suffisamment de légumineuses.

« Une démocratie alimentaire pour permettre une réappropriation collective du plaisir de bien manger  »

Face à ce constat, notre ambition est celle d'une démocratie alimentaire qui doit permettre une réappropriation collective (citoyens, associations, institutions, chercheurs) du « plaisir de bien manger » en engageant une mutation rapide de nos modes de production et de consommation, ainsi qu'en promouvant une agriculture régénératrice, créatrice de liens et de solutions face aux enjeux de justice sociale et climatique.

Les comportements alimentaires et les inégalités d'accès à une alimentation durable sont largement déterminés par les caractéristiques liées à l'environnement physique, économique et social des mangeurs.  Aussi, nous souhaitons agir sur l'ensemble de ces leviers et en particulier l'accès financier aux produits durables. Tout en visant également une transformation du paysage alimentaire qui est déterminante pour favoriser des modes de consommation plus durable, favoriser des débouchés pour des fermes engagées en agroécologie et mettre ainsi en perspective, l'acte de manger avec le rapport que l'on entretient vis-à-vis de son territoire de vie.

« Plutôt que de pointer la seule responsabilité du consommateur, il faut agir sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, développer les productions biologiques et favoriser un accès économique aux produits bio et locaux  »

Les études scientifiques et celles publiées par les institutions expertes comme France Stratégie et l’IDDRI sont formelles : la responsabilisation du consommateur ne permettra pas d’inverser la tendance. Pour améliorer l’accès à une alimentation saine, durable et choisie et garantir le droit à l’alimentation de tous, les pouvoirs publics doivent agir sur l’amont et l’aval de la chaîne alimentaire. D’une part, il est indispensable d’accompagner les agriculteurs vers des pratiques agricoles rémunératrices, économes en intrants, respectueuses du bien-être animal et qui préservent les écosystèmes. Soulignons à ce titre l'importance de la commande publique pour favoriser et développer l'agriculture biologique ou les politiques telles que celles menées à l'échelle de notre Métropole dans le cadre du Plan Alimentaire Territorial ou à l'échelle d'Eau du Bassin rennais dans la cadre de Terres de sources.  De l’autre, il faut transformer l’offre et les environnements alimentaires, c’est-à-dire l’offre et la mise en avant des produits en magasin, les produits sur lesquels portent la publicité et le marketing tout en rendant les produits sains et durables plus accessibles sur le plan économique.

De cette volonté à la fois de répondre aux enjeux de précarité alimentaire et de transformer l’environnement alimentaire est né le projet de carte alimentation durable. Ce travail ets le fruit d’une concertation avec de nombreux acteurs impliqués dans le projet et rassemblés au sein d'un comité transversal :

·       Associations de l'alimentation durable : le petit Blosneur, les cols verts, au goût du jour, VRAC, Collectif Agriculturel de la Prévalaye…

·       Partenaires sociaux : CCAS, CAF, associations d’aides alimentaires…

·       Producteurs, commerces et artisans : Boulangerie solidaire Phylia, la ferme du turfu, Breizhicoop …

·       Acteurs de l'IAA : Olga, Initiative Bio Bretagne, SCIC Terres de sources…

·       Réseaux d'acteurs : CCI, syndicat des marchés, Chambre d'agriculture de Bretagne, Agrobio35, SCIC Manger bio 35 …

·       La recherche: CNRS, INRAE…

·       La Ville de Rennes avec la mobilisation des équipes du Plan Alimentaire Durable, les Directions de quartiers, la Direction de la Solidairté et de la Santé…

Collaboratif et solidaire, ce dispositif veut faciliter un accès digne au plus grand nombre à des produits durables du territoire ainsi qu'à de la sensibilisation afin d'ancrer le changement des pratiques alimentaires. Une première expérimentation sera mise en place en 2026 pour une durée d'un an, dans les quartiers du Blosne et de Bréquigny afin d'étudier la possibilité de son déploiement à l'échelle de la Ville.

« Un premier test sera mis en place en avril 2026 pour une durée d’un an, dans les quartiers du Blosne et de Bréquigny, Champs Manceaux les Clôteaux. Une expérimentation complémentaire de la distribution de paniers bio pour les femmes enceinte qui est organisée sur les quartiers nord de Rennes.  »

Cette expérimentation se matérialisera pour chaque foyer expérimentateur par la possession d’une carte de paiement, utilisable dans des magasins conventionnés, donnant accès à des produits alimentaires durables pour un montant fixe par mois et par foyer. Les 240 foyers participants seront scindés en 2 groupes qui testeront la carte pendant 6 mois à tour de rôle, portant la durée de l'expérimentation à un an. En parallèle, les participants auront accès à une programmation d'ateliers autour de l'alimentation durable pour faciliter l'appropriation de nouvelles habitudes alimentaire.

Ce mardi 26 aout, au restaurant DADA dans le quartier du Blosne, nous avons signé une charte partenariale du projet carte alimentation durable afin d’affirmer collectivement les valeurs portées par le projet et poser les engagements de chacun des acteurs impliqués dans sa mise en place.

Cette expérimentation est un premier pas vers un déploiement territorial. Elle vise à démontrer l'intérêt du projet pour notre territoire sur plusieurs aspects : ses impacts sur l'encapacitation des bénéficiaires vers une alimentation durable, ses influences sur le paysage alimentaire, ses contributions aux transitions agro-écologiques.

Mais c'est aussi une expérimentation, qui à l'instar de ce qui se met en place sur d'autres territoires en France, doit montrer la nécessité d'une approche nationale voir européenne du droit à l'alimentation. Un droit qui devrait être inscrit dans notre constitution et assurer par une Sécurité Sociale de l'Alimentation que nous sommes de plus en plus nombreux à appeler de nos vœux. Mais on ne changera d'échelle qu'en réussissant ces expérimentations et en les évaluant pour en démontrer l'intérêt d'un droit à l'alimentation.

 Source: Baromètre de la pauvreté, Secours Populaire 2021

 Source: article: «Vers des solidarités alimentaires territorialisées... Retour sur la recherche-action SOLALTER menée en Bretagne», C. Darrot et J. Noel, 2014

Source: les taux de pauvreté et d’inégalités s’accroissent fortement https://www.insee.fr/fr/statistiques/8600989

Source: la Sécurité Sociale de l’Alimentation et les coordonnées du collectif SSA Pays de Rennes https://securite-sociale-alimentation.org/

Source: Recommandations du HCSP pour le prochain PNNS https://lonav.fr/recommandations-du-hcsp-pour-le-prochain-pnns/

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